Le FAPI (Foreign Accrual Property Income) « à la française » : éclairage sur une récente décision du Conseil d’État français

Une récente décision du Conseil d’État français illustre ce que l’on pourrait appeler un “FAPI à la française”. Dans son arrêt du 13 mars 2025 (n° 488080, Sté Rubis), le Conseil d’État a appliqué l’article 209 B du Code général des impôts (CGI), qui, à l’instar du revenu étranger accumulé tiré de biens plus connu sous l’acronyme anglais Foreign Accrual Property Income (FAPI) canadien, vise à neutraliser l’utilisation de structures offshore sans activité économique réelle.

1. Les faits de l’affaire : une “société d’animation” contestée

La société Rubis, une entreprise française, détenait une filiale à l’Île Maurice, Eccleston Co, bénéficiant d’un régime fiscal favorable. Lors d’un contrôle, l’administration fiscale française a considéré que cette entité servait principalement un objectif d’optimisation fiscale et a appliqué l’article 209 B pour imposer en France ses bénéfices.

Rubis a contesté cette imposition en soutenant que sa filiale exerçait une activité économique réelle, plus précisément une activité d’animation de filiales. En d’autres termes, la société Eccleston Co prétendait jouer un rôle actif dans la gestion et le développement des filiales du groupe, en définissant leur stratégie, en leur apportant un soutien financier et en assurant une supervision opérationnelle.

Cependant, après examen, le Conseil d’État a rejeté cette allégation, constatant, selon le faits dont nous disposons, que :

Aucun salarié ne travaillait pour Eccleston Co à Maurice ;

• La société ne disposait d’aucun moyen matériel pour exercer une activité économique effective ;

• Les revenus de la filiale provenaient principalement de la cession de titres de filiales, une activité considérée comme passive et exonérée d’impôt à Maurice.

Ainsi, en l’absence d’éléments concrets démontrant une véritable activité d’animation, la cour a estimé qu’Eccleston Co était une structure purement fiscale et a confirmé l’imposition en France de ses bénéfices.

2. Parallèle avec le FAPI canadien

Cette décision illustre bien le raisonnement qui sous-tend le régime canadien du FAPI : empêcher les entreprises de différer l’imposition de leurs revenus en les logeant dans des sociétés offshore sans véritable substance économique.

Cette décision illustre bien le raisonnement qui sous-tend le régime canadien du FAPI : empêcher les entreprises de différer l’imposition de leurs revenus en les logeant dans des sociétés offshore sans véritable substance économique.

D’abord, l’objectif des deux dispositifs est le même : empêcher les entreprises de localiser artificiellement leurs bénéfices dans des juridictions à faible fiscalité pour échapper à l’impôt dans leur pays de résidence.

Ensuite, les conditions d’application sont similaires. En France, l’article 209 B s’applique lorsque la société étrangère est contrôlée par une entreprise française et bénéficie d’un régime fiscal privilégié. Au Canada, le FAPI vise les revenus d’une entité étrangère affiliée contrôlée par un contribuable canadien (personne physique ou morale) et dont les revenus sont considérés comme passifs.

Concernant les exemptions possibles, une entreprise française peut échapper à l’article 209 B si elle démontre que sa filiale exerce une activité économique réelle dans son pays d’implantation. De la même manière, au Canada, le FAPI ne s’applique pas si les revenus de l’entité étrangère sont actifs, c’est-à-dire générés par une entreprise exploitée activement.

Enfin, les revenus visés sont comparables. L’article 209 B cible les revenus considérés comme passifs ou insuffisamment justifiés par une activité économique. De son côté, le FAPI s’applique aux revenus passifs, tels que les intérêts, les dividendes, les redevances et les gains en capital.

Si cette affaire s’était déroulée au Canada, la filiale mauricienne d’Eccleston Co aurait vraisemblablement généré du FAPI, car son activité principale (la gestion de participations et la cession de titres) correspond à un revenu passif, qui aurait été immédiatement imposé au Canada.

3. Un signal fort contre les structures fiscales “agressives”

Que l’on soit en France ou au Canada, le raisonnement est similaire : les entreprises doivent démontrer une véritable activité économique pour éviter l’imposition des bénéfices réalisés via des filiales offshore.

Dans l’affaire Rubis, la société mère n’a pas réussi à prouver que sa filiale jouait réellement un rôle d’animation de groupe, ce qui a justifié l’application de l’article 209 B du CGI. De la même manière, dans un contexte canadien, l’Agence du revenu du Canada aurait appliqué le FAPI pour imposer ces revenus comme s’ils avaient été réalisés directement au Canada.

Cette décision confirme donc que, dans les deux pays, les structures fiscales “agressives” sont de plus en plus contestées, et que la substance économique reste le critère déterminant pour échapper à une requalification fiscale.

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