Mobilité internationale et résidence fiscale, nouveaux enjeux

Dans un contexte de mobilité internationale, nombreux sont les clients qui viennent nous voir après l’intervention de l’administration fiscale, souvent lorsqu’ils reçoivent une notification de redressement fiscal. Or, la résidence fiscale d’un expatrié (détaché ou même nomade numérique par exemple) ne se limite pas à un critère aussi simple que la présence physique dans un pays. Le fameux concept des 183 jours de présence, qui repose uniquement sur un critère de présence physique dans un pays, souvent présenté comme un seuil déterminant, reste en réalité une approche trop simpliste et réductrice lorsqu’il vient le temps de déterminer la résidence fiscale d’un individu. En effet, dans le cas de la France, par exemple, l'administration fiscale ne s'arrête pas uniquement à ce critère lié à la durée de présence mais examine également les liens économiques, familiaux et patrimoniaux pour établir la résidence fiscale effective. En effet, au-delà du temps passé dans un État, l’administration fiscale analyse les liens économiques et personnels pour déterminer la résidence fiscale effective. Il est donc essentiel d’anticiper et d’organiser son départ afin d’éviter les mauvaises surprises.

L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Paris le 17 janvier 2025 (CAA Paris, 17 janv. 2025, n° 23PA04058) illustre parfaitement cette problématique. Une contribuable, salariée d’une entreprise française mais détachée en Hongrie avec sa famille, s’est vue conférer la qualité de résidente fiscale française en raison de ses liens économiques substantiels avec la France. Malgré une résidence physique en Hongrie, l’administration fiscale a mis en avant le fait que l’intégralité de ses revenus provenait d’une source française, qu’elle possédait un appartement à Paris et qu’elle avait réalisé des plus-values en France. Conclusion : elle restait fiscalement domiciliée en France.

Cet arrêt démontre une nouvelle fois que la simple présence physique à l’étranger ne suffit pas à échapper à la résidence fiscale française si des attaches économiques importantes demeurent en France. C’est pourquoi il est crucial, avant de quitter la France, par exemple, pour s'établir au Canada, de faire un bilan fiscal et patrimonial approfondi.

Les nouveaux enjeux avec la loi de finances pour 2025 (France)

Avec la loi de finances 2025, le cadre juridique devient encore plus strict. Deux modifications majeures méritent une attention particulière :

  1. L’introduction d’un nouveau paragraphe à l’article 4 B du Code général des impôts
    Désormais, la loi précise expressément que la résidence fiscale, au sens des conventions internationales, prime sur la notion de « domicile fiscal » en droit interne. Concrètement, une personne considérée comme résidente fiscale d’un autre État en vertu d’une convention fiscale ne pourra pas être automatiquement qualifiée de résidente fiscale française, même si elle remplit l’un des critères habituels de l’article 4 B du CGI. Cela renforce la nécessité d’invoquer correctement les conventions fiscales applicables pour éviter une double imposition. À noter que ce concept de “non-résident réputé” est bien connu des fiscalistes canadiens, car il s’inscrit clairement dans le droit interne lorsque le contribuable revendique la “protection” d’une convention fiscale bilatérale signé par le Canada. Celles-ci permettent de trancher les situations de double résidence en fonction de critères comme le centre des intérêts vitaux et la durée de présence dans le pays concerné. Dans ces cas, les autorités fiscales canadiennes déclinent généralement leur compétence lorsqu'un contribuable est considéré comme résident d'un autre État en vertu d'une convention fiscale.

  2. L’extension du délai de reprise de l’administration fiscale de 3 à 10 ans
    Jusqu’à présent, l’administration fiscale française disposait d’un délai de trois ans pour contester la domiciliation fiscale d’un contribuable. Avec la loi de finances pour 2025, ce délai est porté à dix ans. Cela signifie qu’un contribuable ayant quitté la France ne doit pas se sentir libéré par le simple passage du temps, car il pourra être rattrapé fiscalement longtemps après son départ si l’administration estime qu’il n’a pas effectivement changé de résidence fiscale. Cette mesure s’applique notamment aux impôts sur le revenu, à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et aux droits de mutation à titre gratuit.

Pourquoi ce contexte change-t-il la donne ?

L’allongement du délai de reprise et la clarification de l’article 4 B s’inscrivent dans une volonté accrue de l’administration fiscale de lutter contre les situations de double domiciliation fiscale que le contribuable peut utiliser, dans certain cas, à sa profit par exemple pour éviter les taxes dites de départ (exit tax). Dans le cas étudié, il est intéressant de noter que la contribuable ne semble pas avoir invoqué la convention fiscale franco-hongroise. Pourtant, cette convention aurait pu jouer un rôle clé en démontrant qu’elle était exclusivement résidente fiscale hongroise.

Comment se prémunir contre un risque de redressement fiscal ?

L’erreur la plus fréquente des contribuables en mobilité internationale est de sous-estimer l’importance de leurs attaches économiques avec la France (ou pays de résidence “historique”).

Afin d’éviter un risque de double imposition ou un redressement fiscal, voici quelques recommandations essentielles avant un départ :

  • Faire un bilan patrimonial : identifier les actifs détenus en France et évaluer leur impact fiscal.

  • Réduire les attaches économiques : céder certains actifs, renégocier les structures d’investissement ou opter pour des schémas fiscaux optimaux avant le départ.

  • S’assurer que la convention fiscale s’applique : invoquer les bonnes clauses pour éviter une double domiciliation fiscale.

  • Déclarer correctement son départ : bien respecter les formalités fiscales pour signaler son changement de résidence.

  • Consulter votreavocatvirtuel.com : avant et après l’installation à l’étranger, pour éviter tout oubli ou erreur d’interprétation.

Cet arrêt, combiné aux nouvelles dispositions de la loi de finances 2025, confirme une fois de plus qu’un départ à l’étranger mal préparé peut avoir des conséquences fiscales lourdes, même plusieurs années après. Dans un contexte où l’administration fiscale renforce ses outils de contrôle et prolonge ses délais d’action, la prudence est plus que jamais de mise. Ne pas anticiper son départ, c’est risquer de se voir réclamer des impôts auxquels on ne s’attendait pas.

Une consultation préalable avec un expert en fiscalité internationale n’est pas un luxe, mais une nécessité. Mieux vaut prévenir que se retrouver, des années plus tard, face à une rectification fiscale difficile à contester. Alors n’hésitez pas à nous consulter dans le cadre d’une Prise en charge Xpress

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